Préface du président de la République

La politique de défense et de sécurité de la France est, à nouveau, à la croisée des chemins.

Quatorze années après le précédent Livre blanc, la mondialisation a profondément modifié la vie économique comme la vie quotidienne et les relations internationales. De nouvelles puissances ont émergé et de nouvelles vulnérabilités se sont révélées. Le clivage traditionnel entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure s’est encore davantage effacé.

Dans le même temps, la France a remporté le défi de la professionnalisation de ses forces. Pour construire l’armée dont elle avait besoin, elle a consenti un effort important, mais elle a aussi rencontré des difficultés indéniables. Le modèle d’armée 2015, qui guidait sa transformation, s’est révélé à la fois inadapté et inaccessible. Aujourd’hui, chef des armées, garant de la défense des intérêts vitaux et stratégiques de notre pays, je porte la responsabilité du choix de la stratégie et des moyens dont la France a besoin pour aborder, lucidement et sereinement, les enjeux de sécurité de ce début de XXIe siècle. À ce titre, j’ai deux objectifs : celui que notre pays reste une puissance militaire et diplomatique majeure, prête à relever les défis que nous confèrent nos obligations internationales, et celui que l’État assure l’indépendance de la France et la protection de tous les Français. Pour donner corps à cette ambition, c’est ensemble que nous devons entreprendre les efforts nécessaires.

C’est pourquoi j’ai voulu une réflexion très large qui ne limite pas les questions de défense aux seules armées, pas plus que les questions de sécurité aux seules forces de sécurité intérieure. C’est aussi pourquoi j’en ai confié la responsabilité à une commission pluraliste, réunissant des personnalités de tous horizons professionnels et politiques, y compris des armées et des administrations de la défense et de la sécurité. Des personnalités de toutes disciplines et de toutes origines ont été entendues, qu’il s’agisse des partis politiques, de chercheurs, de syndicats, de philosophes et, bien sûr, de membres de la communauté militaire et de sécurité.

C’est pour cette raison également que le Parlement a été associé de façon inédite aux travaux. Pour la première fois, des parlementaires ont été membres de la Commission du Livre blanc. Pour la première fois, les commissions parlementaires ont été consultées en amont sur les choix stratégiques. Pour la première fois, le Livre blanc sera présenté au Parlement, et un débat aura lieu sur notre politique de défense et de sécurité.

De ce travail émerge un nouveau concept ; celui d’une stratégie de sécurité nationale qui associe, sans les confondre, la politique de défense, la politique de sécurité intérieure, la politique étrangère et la politique économique. Cette stratégie porte une ambition européenne et internationale qui est au coeur de la vocation de la France dans le monde. J’ai la conviction que cette nouvelle doctrine et les moyens qui lui sont dévolus garantiront la sécurité des Français et notre capacité à assumer nos responsabilités internationales. Pour faire vivre cette stratégie, des réformes profondes sont aujourd’hui nécessaires. Elles vont décloisonner les pouvoirs publics, accélérer les processus de décision et de réaction aux crises, créer de nouvelles marges de manoeuvre. Celles-ci seront toutes réinvesties dans l’outil de défense, c’est à ce prix que nous pourrons moderniser nos équipements et renforcer les capacités opérationnelles de nos armées.

L’objectif que je fixe à toute la communauté de défense et de sécurité nationale, aux militaires, aux civils, aux ingénieurs, aux ouvriers, l’objectif que j’assigne à l’ensemble de la collectivité nationale, est de mener à bien l’adaptation de cet outil aux enjeux du XXIe siècle. Cette étape sera exigeante pour tous les Français, qui continueront à consentir un effort budgétaire majeur pour leur défense et leur sécurité. Elle sera exigeante pour tous les personnels dont je suis sûr qu’ils sauront s’engager pleinement dans la réforme que je propose. Mais elle est nécessaire pour que la France soit à la hauteur de ses ambitions, que l’État ait les moyens de garantir l’indépendance nationale et que les armées comme les moyens de la sécurité intérieure et de la sécurité civile assurent sa liberté d’action et son autonomie de décision.

Le monde de l’après-guerre froide cède très vite la place à un monde plus mobile, plus incertain et imprévisible, exposé à des vulnérabilités nouvelles. Dans ce monde qui vient, la sécurité de la nation sera assurée et la France jouera tout son rôle pour la défense de la paix et de ses valeurs.

Nicolas Sarkozy

16-06-2008